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L’arme de l’immolation a partie liée avec la corruption au sens étymologique du terme. Déjà, du temps des colonies, l’arabe sentait son âme corrompue par le colon, seul le feu pouvait l’en laver. L’avènement des indépendances a vu naître des pouvoirs qui portent dans leurs cols les stigmates du colon : mêmes armes, mêmes procédés de pourrissement des consciences (école analphabétisante), et d’altération des récits nationaux (identités clés en main). Contre ses charognards qui muselèrent la parole démocrate, seule la mouvance islamiste à laquelle ils avaient du reste fait le lit avait la capacité d’organisation pour en venir à bout en les précipitant, croyait-elle naïvement, dans le feu de l’Enfer (djihennama). Les islamistes ont pourri à leur tour l’islam en le vidant de sa spiritualité pour le farcir de toutes sortes d’ingrédients moyenâgeux. Tel est pendu qui croyait pendre.
L’éradication en cours de l’islamisme dont s’enchante l’Occident - et qu’il feint de découvrir le 11 septembre - se fait hélas sur les cadavres des démocrates arabes sacrifiés sur l’autel de la sécurité du G8. La jeunesse arabe atterrit dans ce fumier entouré de barbelés. Sans recours ni futur, elle s’immole : surtout ne pas laisser de sépulture à cette gent/junte crasse. Tel le scorpion qui, poussé dans ses derniers retranchements, retourne son dard contre lui. Quoiqu’on en dise, aussi révolutionnaire que puisse être ce geste d’immolation, il demeure, dans ce cas d’espèce, férocement solitaire.
Après les essais démocrates qui périrent dans l’œuf, après les essais islamistes qui voulurent remplacer la corruption par la terreur, l’heure est, semble-t-il, venue pour les actes nihilistes, indépassables, indétournables, incorruptibles : se laver de la pourriture jusqu’à l’os.
La société arabe toute sclérosée peut à loisir se chauffer autour de la torche humaine, se gargariser du frémissement de la fibre révolutionnaire longtemps assoupie en son sein, mais force est de constater que la mort reste encore et toujours le seul recours aussi bien pour dessiller les oppositions démocrates agonisantes que pour faire fuir quelque Créon, comme si l’arabe était devenu un être-pour-la mort.
Il n’y a pas lieu de nier ni de minimiser l’effervescence collective qui s’empare actuellement des sociétés arabes. « Plus jamais ça », lirait-on dans ces multiples manifestations Tout semble donner à espérer un réveil inédit. Cependant, la fraternité avec l’armée est à prendre avec précaution. On embrasse la main qui daigne nous épargner d’une gifle. La junte militaire algérienne qui, tel Ouranos sur Gaia, fait peser aujourd’hui une chape de plomb sur la société algérienne, est la même que celle qui sortit tout auréolée de prestige à l’indépendance.
Sans vouloir désespérer Sidi Bouzid, il y a fort à parier que les ardeurs révolutionnaires se refroidiront au premier charlatan venu qui, islamiste ou autre, cachant ses dents longues, promettrait de nettoyer les écuries d’Augias qu’il s’emploiera de remplir une fois les feux éteints.
Pessimisme ? Sans doute. Tempérer à tout le moins l’optimisme à tous crins qui traverse aujourd’hui les sociétés arabes trop, hélas, habituées aux lendemains qui déchantent.