Réagissez !
L'Aile de la Voyelle
Oubliez Dihya-la-Kahina,
oubliez Fathma n Summer,
oubliez Hassiba Ben Bouali,
oubliez Nabila Djahnine,
oubliez...
Du reste, qui convaincre ?
L'homme à la naissance glorifiée ?
Le prêcheur enivré de sourates ?
Le législateur qui statue sur nos mères pour les
codifier
?
Il n'est d'affranchissement réel que celui qui substitue drastiquement aux désirs de gynécée la passion de l'égalité sororale.
Il n'est de promesse abrogeante que celle qui oppose didactiquement aux prescriptions célestes nos exigences terrestres.
Il n'est de Demain radieux que celui qui ose l'audace d'une rupture franche face à une société chargée de tant d'années inégales. Et coupables !
Et si, dans ce cas d'espèce, toutes les querelles de nos ancêtres nous paraissent vaines, les nôtres sont condamnées à être fécondes, ou nous laisserions lâchement notre indignité en héritage à nos enfants.
Il nous reviendra donc d'opposer aux sermons des
fatwas
le serment de désobéissance,
de répondre aux injustes prestations masculines par de farouches protestations,
de frotter à l'ortie le sceau discriminatoire du législateur,
et le ranger sans recours au magasin des registres honteux.
Ni fiancée vierge, ni épouse féconde.
Etre et non avoir.
Citoyenne et non domestique.
Levier et non accessoire.
Non ! la Femme n'est pas l'avenir de l'Homme.
La femme n'est pas l'avenir de l'Algérie.
Elle est mesure d'aujourd'hui,
mesure de notre incommensurable.
Elle n'est plus marge des marges.
Elle est centre des centres,
le plein de notre béance.
Vacillement de notre mâlitude.
Elle est voyelle sans qui la consonne est orpheline.
Et nous, sans elle, nous sommes manqués.
Pourtant, nous en faisons l'ennemie familiale,
cible de notre pathos. Religieux. Coutumier. Ancestral.
La
femme sauvage
nous effraie, et nous avons mal à notre virilité agonisante.
Surtout n'invoquons plus nos mères !
Les ventres qui nous portèrent nous exhérèdent de la parole lactée.
Interrogeons plutôt nos abîmes d'infamie,
nos manquements que nous érigeons en règles d'honneur canonique.
Alors, que reste-t-il pour notre commun salut ?
Apposer le scellé sur la bière de nos privilèges.
Mettre à bas le cloître pour le dehors reconquis.
Transformer la moitié en part entière.
Céder la force altière pour une tranquille altérité.
Poser à jamais une stèle sur l'odieuse tutelle.
Car l'horizon est commun ou ne sera pas.
Achour Ouamara
(
in
Bulletin d'IDEAl, dossier sur la femme algérienne, 1994).