Nostalg'y reviens...

par A. Wamara
4 avril 2023



Vous avez beau traverser les sept mers, frôler une exo-planète, mais pierre qui roule n'amasse pas mousse, vous revenez, ne serait-ce qu'en esprit, à ces moments qui ont tôt tapissé votre âme de ce quelque chose d'indéfinissable que vous cherchez à retrouver à travers les objets.
C'est en goûtant un foie gras avec de la confiture de figue que m'est subitement revenue cette image de claies fabriquées par nous-mêmes (adultes assistés des enfants). Elles sont montées simplement avec des roseaux, des morceaux de bois et du fil de fer. Nous y étalions les toutes nouvelles figues fraîches diverses et variées qui séchaient au soleil. J'ai dit "au soleil" pour faire bien, car nous, les enfants, adorions quand ça commencait à bruiner, un moment pour nous de lancer en le chantant à travers les venelles du village l'appel à couvrir les claies. On criait dans la joie et la bonne humeur : ahanut d asemnenni (intraduisible !). En général, cette pluie s'accouplait à un rayon de soleil, d'où le nom de "noces de chacal" donné à ce phénomène (le chacal est l'intermédiaire entre le ciel et la terre, ici, le ciel, le soleil, féconde la terre par la pluie. On chantait dans ce cas la chanson "itij lgerra tameghra n wuccen telha" (Du soleil et de la pluie, les noces du chacal sont belles).
On pouvait au même moment être gratifiés d'un arc-en-ciel qu'il faut s'interdire de montrer du doigt qui risque de se courber à jamais, surtout pas avec l'index qui est utile à la chahada (profession de foi, 1er pilier de l'islam). Fallait pas tenter l'enfer. J'avais essayé une fois en pointant l'arc-en-ciel de mon auriculaire, je vérifiais toutes les cinq minutes pour voir s'il se courbait. Rien. Sans doute que l'arc-en-ciel ne m'a pas vu, il devait être occupé par le marié, le chacal, qu'il fallait surveiller qu'il ne s'en prenne pas à ses invités.

La figue, c'était, et le reste encore, à la fois notre caviar et notre aliment béni anti-faim. On pouvait en manger toute l'année grâce à son séchage et à son stockage dans des fûts en terre (akoufi).
La figue sèche pourrie, ça n'existe pas !! Compris ?! Quand un asticot se hasardait à la squatter, bof, on le délogeait, et après un petit ménage dans la figue (avec l'index ) on la dégustait (conseillé avec du petit lait, ça fait oublier le squatteur).
Pourquoi suis-je revenu à ma figue-madeleine? C'est à cause de sa confiture que j'ai découverte à l'âge de... cent ans.


A. Wamara
2 avril 2023