Nostalgéhonte !

par Achour Wamara



Ci-dessous un piège que j'utilisais enfant pour attraper des grives et des étourneaux. Une machinerie aussi simple que redoutable. Sans aucun élément métallique.
Il est constitué d'un bâton fin et souple tiré d'un frêne, qu'on plante profondément dans le sol, auquel on attache fermement une ficelle à son extrémité, et le bout de la ficelle se termine avec un noeud coulant et un tout petit bâton de la grosseur d'une allumette, le tout relié à un autre bâton planté en arc dans le sol, sous lequel on retient une olive noire avec ce bâton-allumette.
Quand l'oiseau vient picorer l'olive cela débloque l'attache-olive et le grand bâton se replie violemment en arrière en emportant le noeud qui se referme autour du cou de la tête du passereau.
Et comme l'oiseau projeté en arrière se débat pour s'en sortir, le noeud se resserre encore plus autour de son menu cou. Il en meurt.
Parfois, j’arrive plus tôt et je trouve l'oiseau s'agitant encore, je l'égorge sur le champ pour écourter ses souffrances.
Je demande ici pardon à tous les oiseaux que j'ai ainsi attrapés et grillés sur les braises du kanoun.
D'ailleurs, un jour j'ai abattu, c'est le mot, un rouge-gorge avec ma tire boulette artisanale. La boulette, une petite pierre, est entrée dans son petit ventre qu'elle a complètement dévasté. Le voir dans cet état m'a fait beaucoup de peine. Je l'ai enterré.
Depuis, je n'ai plus tire-boulé, pas même sur les maudits corbeaux. Je ne mange plus de gibier.
Non, l'innocence de l'enfance n'est pas une circonstance atténuante pour excuser la mise à mort de petits oiseaux.
Et la repentence n'y peut rien.
J'essaie d'apaiser mon âme en disposant sur l'appui de ma fenêtre deux mangeoires pour des mésanges que je gâte de grains de toutes sortes, et je m’étonne qu’elles n’aient pas peur de moi, moi le monstre.



A. Wamara
21 février 2023