Lolgérie !

par Achour Wamara



L'actualité est riche d'événements. Ça tire de tous les côtés. On a beau s'esquiver, on en reçoit quand même plein la gueule. Parfois, on ne sait plus où diriger notre corne. Tout le monde s'en mêle, et c'est plus rassurant que le silence assourdissant, quoique parfois le mutisme est préférable au blabla. Tout un chacun y va de son commentaire, qui pour analyser depuis sa propre grille, qui pour réagir passionnément, qui pour insulter son contradicteur, qui pour défendre, ici un pays, là un prisonnier, ici une église, là un panda, et j'en passe.
Il y a tout de même des thèmes qui vous touchent plus que d'autres, non qu'ils méritent plus d'attention, c'est plutôt une question de proximité idéologique et/ou culturelle. Il n'y a donc pas de mal à défendre les limaces de son jardin, il faut juste avoir une pensée pour les limaces vivant au-delà de votre haie.
Il arrive qu'on brûle d'envie d'intervenir, mais on bute sur l'angle d'attaque, ou que le problème est si vaste et complexe qu'on risque de finir dans la chaussée avec les fast-thinkers.
Je l'avoue, c'est mon cas sur l'Algérie (de mes rêves !). J'écris d'ailleurs cela avec humilité dans un cimetière, au fin fond de la France ex-coloniale, assis sur la tombe d'une inconnue, face à une rangée d'urnes funéraires (je prépare mon avenir !). Je me suis dit que ça n'est pas parce que l'Algérie est loin des yeux qu'on doit fermer son cœur à ses avances de farouche guerrière. Du reste, voir n'est pas savoir, et ne pas voir n'est pas synonyme d'ignare. Disons que l'Algérie devient pour moi un hiéroglyphe inédit, et je ne suis pas un Champollion. J'y vais donc à reculons, et avec des pincettes.
J'ai comme l'impression que l'Algérie obéit à quelques devises qu'on peut résumer ainsi :
1. À chaque solution il y a un problème : dès qu'il y a l'ombre d'une issue, aussi étroite que le chas d'une aiguille, on s'empresse de la boucher avec de la cire fabriquée sur mesure, qui ne se vend pas seulement dans l'épicerie "tebbounée".
2. Le complexe de l'éternel retour : on croit toujours au "plus jamais ça". Mais l'Algérie adore la roue. Islamistes faux repentis ? Nous revoilà ! Démocrates de soupe à l'oseille ? Nous revoilà ! Moudjahidine de la 25ème heure ? Nous revoilà ! FLNuls ? Nous revoilà !
3. Algérassik Park : le Hirak contre Hydra ne suffit pas. La lâcheté et l'esprit de lucre métastasent dans la société. "Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres" (Gramsci). Sans verser dans le jeunisme, la jeunesse doit tout réinventer, refuser de payer la dette dont l'accablent les ancêtres, savoir penser et cracher en même temps, "soummamer" dans l'urgence mais pas dans l'impatience, elle doit s'imposer comme nouvelle manne que nul coffre ne peut enfermer.
C'est peu et beaucoup.
Comme la vie.



Achour Wamara, 6 août 2020