Enfantissime !

Il est des mariages qui s'apparentent à des alliages. Tout est dans la résistance de la soudure. Ainsi du couple mixte, sujet à maints ébranlements. Mais voilà qu'apparaît l’enfant-souture, épiphanie au visage d'un monde rêvé, annonciateur de Babel. Il dit à la fois l'horigine et toutes les origines ! Tant pis pour le regard oblique qui voit des entrailles là où il faut apprécier les semailles, tant pis pour l'index ongulé qui montre la gêne là où le futur s'enseigne. ! Cherchez ailleurs l'ailleurs ! Yuanyuan ! Le phonème s'enrichit d'un ton, la tresse d'une bouclette, l'épiderme d'une nuance, le met d'une épice, le prénom d'un pont. Jusqu'aux contes où s’invitent des personnages ineffables. Là, le monocolore redoute l'arc-en-ciel. Les barricades de la haine sont déroutées. Déboutées, elles invoquent l'ancêtre invariable. Sauf que les jeux sont faits.
Place à l'inédite liaison, à l'entremêlement fécond, à l'irrégulière conjugaison : je diffère, tu m'interpelles : « d'où je viens ? », je te dis où nous allons.
Rassemblées, ces photos forment un puzzle dont la figure finale révèlerait non un quelconque polygone au pourtour verrouillé mais l’esquisse d’une nouvelle poétique du vivre-ensemble. Sans l’exclusion du sceau. Ni identité de l’enclos.
Rendons hommage au photographe Franck Ardito (épelez son nom, vous en saurez davantage) qui a su tirer du grain de la peau tant décriée toute la promesse de la graine. De ces frimousses aux regards gracieusement croisés, se dégage la rage sereine d’exister contre ceux qui annoncent dans le « dis-moi qui tu es » un « dis-moi qui tuer ».

Achour Ouamara
Épilogue pour le livre de photographies sur les couples mixtes de Franck Ardito, "Ces visages qui s'entremêlent", (Adate Editions, 2014).