Aujourd'hui, 22 février 2023, une moitié de moi m'a quitté.
La guerre nous avait déjà rendus très tôt orphelins, avec des petites ailes à peine dessinées.
L'indigence obligeaient nos mères à nous priver des frugaux repas de midi
qu'elles reportaient pour l'unique dîner du soir, elles sanglotaient dans leurs châles,
et nous, nous pleurions de faim incomprise.
Oui, nous avions pleuré ensemble, nous avions eu faim ensemble,
nous avions eu peur ensemble, nous avions vécu nos premiers émois ensemble.
L'exil nous a séparés dans l'espace mais nullement dans le temps partagé, toujours présent.
Depuis l'exil, toute évocation du pays se présente à moi avec ton visage, le premier de tous les visages, à côté de celui de ta douce mère que tu vas rejoindre, petit veinard.
Aujourd'hui, je n'ai plus peur de la mort, je la souhaiterais presque pour t'accompagner, n'était la crainte de laisser dans la tristesse quelques autres visages, peu, qui me restent à chérir encore à la lumière de ton souvenir.
Je ne viendrai pas m'incliner devant ta dépouille,
il faudrait que tu sois mort pour que je le fasse, or tu n'es pas mort,
immortel arbre tutélaire de mon enfance.
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