Artisans ou partisans de la Laïcité ? Telle est la question posée par l'auteur qui ne manque pas de puiser ses arguments dans l'Histoire pour précisément fustiger les partisans de la Laïcité.
Depuis la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen jusqu'à la Loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905) précédée déjà par la révision constitutionnelle de 1884 marquant un tournant où la Loi civile n'est plus le décalque de la Loi religieuse (municipalisation des cimetières, enlèvement des Crucifix des écoles et des bâtiments publics, ect.), la Laïcité, précise l'auteur, n'a cessé d'évoluer tant comme idée que comme pratique, et elle n'a pas fini d'inventer des réponses originales à des problèmes inédits. Est dès lors sans fondements la crainte des partisans tous azimuts de la Laïcité, qui verraient les bûchers rallumés au moindre relâchement de la vigilance laïque.
L'Eglise, de par son patrimoine de pensée, a le droit de donner son point de vue sur les problèmes de sociétés : rapports entre les sexes, bioéthique, en matière d'éducation. Du reste, l'école laïque reprend la quasi-totalité de l'enseignement moral de l'Eglise : le sens de la coopération, la sobriété, les bonnes moeurs, ne pas céder à ses pulsions.
Mais qui de l'Etat (Loi civile) ou de l'Eglise (Loi morale) doit obéir à l'autre en ces matières ? Question lancinante qui trouve sa réponse dans la bouche du Pape Jean-Paul II, cité par l'auteur, qui déclara que le chrétien, comme tout citoyen, a le devoir de désobéir en conscience à la Loi civile, arguant du primat de la Loi morale sur la Loi civile sur un certain nombre de problèmes de société. L'intervention des religions dans l'espace de débat de l'Etat laïque ne peut qu'être féconde.
Et l'Islam ? Peut-il, comme le Christianisme, traverser l'expérience de la Laïcité ? La dimension sociale de l'Islam "n'est pas emboîtable dans la tradition nationale française", affirme l'auteur. Ou bien l'Islam de France est soluble dans la sécularisation, ce serait pour l'intégration la voie la plus facile, ou bien il garde la capacité de demeurer un phare identitaire, auquel cas il "faut qu'il se construise à l'interieur des eaux territoriales de la Laïcité".
Qu'on ôte à la Laïcité son L majuscule, qu'"elle replie ses ailes, que ses tenants purs et durs fassent preuve de moins d'intransigeance archaïque. Bref qu'il puisse y avoir d'autres acceptions de la Laïcité qu'extrêmes". Ainsi, elle deviendrait une affaire de seuil où sera privilégiée la culture de négociation et de conciliation, où seront aménagés des lieux d'énonciation et de réflexion éthiques.
Achour Ouamara
in Revue Ecarts d'Identité, n°88, mars 99.