Confession d'un Algérien / Oublier la France?
in Le quotidien El Watan, Alger, 9/7/1997.
Oublier la France? L'auteur s'attelle en trois chapitres liminaires à régler ses comptes avec l'Hexagone européen. Là où d'autres volent l'avers, il s'applique systématiquement sur l'envers d'une médaille tricolore qui doit, en effet, passer au crible de la raison et de l'esprit critique.
Et là, Achour Ouamara ne manque pas de verbe acerbe, d'érudition ample et de talent polémiste pour dénoncer successivement "la duplicité de la France", "ses lumières et ses ténèbres" et s'interroge "s'il faut brûler cette France »., selon lui omniprésente dans notre champ socioculturel.
Pour un essai ou un pamphlet ou encore une littérature de rejet, il croise le fer avec beaucoup de mordant et également de panache, résultantes de son immense culture et de son magistral sens de la synthèse.
A l'évidence, Achour Ouamara sait de quoi il parle et il le fait en utilisant ses armes redoutables de sociologue, de linguiste et d'informaticien, capable donc de recensement des faits, de lecture des grands axes et de classement scientifique. Confession d'un Algérien émigré outre-Méditerranée mais "qui, précise curieusement l'éditeur, retourne voir régulièrement en Algérie" comme pour mieux affirmer ses racines, est livre d'oubli sans doute mais surtout prétexte à s'attaquer aux réalités algériennes.
Il fustige avec une précaution légère et l'Islam et les islamistes en revendiquant son athéisme et sa liberté de penser. Il rappelle les déboires de l'arabo-islamisme et ce qu'il considère comme ses "SaintBarthélemy, tout en jetant un regard féroce sur les "barbéfélènes", autrement dit la thèse qui voudrait que le FLN soit le père du FIS dissous. Il n'épargne pas au passage les démocrates qui évolueraient dans l'arène nationale derrière le rideau protecteur de l'armée.
Et il s'en prend enfin aux clercs dont la trahison est ornée d'un point d'interrogation.
Un point d'interrogation tout à fait symbolique, puisque Achour Ouamara traite les journalistes de servants du pouvoir actuel et de "veuves" du boumediénisme où, selon lui, "l'assassinat politique reçut son véritable baptême".
C’est terrible qu'un intellectuel de cette envergure verse dans l'invective sans fondement eu égard aux sacrifices de la .presse pluraliste et independante ainsi que ses démêlés passés et présents avec les gouvernants. On ne peut d'ailleurs expliquer cette tragique méprise qu'en fonction du rappel d'Ait Ahmed, leader du FFS, "victime de florilèges d'insultes qui n'ont rien à envier aux diatribes mesquines d'avant 1988". Et c'est encore plus terrible de mettre le rendez-vous manqué de New York entre les présidents Zeroual et Chirac sous les projecteurs de cette presse "qui, écrit Ouamara, fait fi des milliards d'aide, fi de l'octroi de tonnes d'armements". L'auteur pénètre, en plus de la falsification des faits, dans le domaine de la diffamation que ne méritent pas son talent et une partie de ses analyses. Il jette un sérieux soupçon sur un essai qui n'est -certes pas innocent, mais qui se lit parce que Ouamara possède une qualité d'écriture à mettre au service des causes nobles. Sinon on viendrait à penser que l’'esprit de Lausanne a franchi la frontière suisse pour s'égarer du côté de Grenoble où vit l'auteur...
El Watan, 9/7/1997